b. Goethe est un homme prodigieux; il est charmant pour moi. Il s'intéresse à tout, a des idées sur tout, de l'admiration pour tout ce qui en peu admettre; et avec sa robe de chambre bien blanche qui lui donne l'air d'un gros mouton blanc, entre son fils, sa belle-fille et ses deux petits enfants, qui jouent avec lui, parlant de Schiller, de leurs communs, de ce que celui-ci voulait faire, de ce qu'il aurait fait, de ses propres ouvrages, de ses intentions, de ses souvenirs, il est le plus intéressant et le plus aimable des hommes. Il a une conscience naïve de sa gloire qui ne peut déplaire, parce qu'il est occupé des autres talents et véritablement sensible à tout ce qui se fait de bon en tous genres. A genoux devant Molière et La Fontaine, il admire ›Athalie‹ et goûte ›Bérénice‹. A propos du Tasse il prétend avoir fait de grandes recherches et dit que l'hi stoire se rapproche beaucoup de la manière dont il a traité son sujet. Il soutient que la prison est une conte, ce qui vous fera plaisir; il croit à l'amour du Tasse et à celui de la princesse, mais toujours à distance, toujours romanesque, et sans ces plates et absurdes propositions d'épouser de M. Alex Duval. J'ai lu en manuscrit un ouvrage très-extraordinaire de lui, qui va paraître; c'est une épisode ou plutôt un intermède destiné à trouver place dans la suite de ›Faust‹ qui n'est pas encore faite. C'est, comme il l'intitule lui même, une fantasmagorie à peu. près intraduisible; mais à travers beaucoup de bizarrerie et assez d'obscurité, pleine de profondeur, de poesie et de grâce. Depuis le siège de Troie jusqu'au siège de Missolonghi, la mythologie grecque, le moyen âge, le temps actuel, lord Byron, tout s'y trouve. C'est un rêve d'un grand sens, et cette conception, dans laquelle, bon ou mauvais, tout est créé, est sortie d'une tête presque octogénaire.