1827, Ende April oder Anfang Mai.


Mit Jean Jacques Ampère und Albert Stapfer

Nous sommes arrivés à Weimar à deux heures. Nous avions, en cette ville, deux visites intéressantes à faire. On ne peut passer par Weimar sans aller présenter l'hommage de son admiration au célèbre Goethe, le Nestor de la littérature allemande, et sans chercher à entendre le pianiste admirable Hummel. Ce dernier, pour lequel nous avions aussi une lettre de recommandation, était parti pour enchanter les oreilles autrichiennes, et nous espérons bien le retrouver à Vienne. Nous avons été d'autant plus contrariés de cette absence, que nous comptions beaucoup sur M. Hummel, auquel nous étions recommandés d'une manière pressante, pour nous introduire, nous et notre lettre, près de l'auteur de Werther, qu'on dit très-défiant. Cependant, M. Goethe voulut bien répondre au domestique que j'envoyai [115] chez lui pour savoir s'il consentait à nous recevoir, qu'il nous attendait à cinq heures. Sa maison est située derrière le parc du grand-duc. Un joli perron conduit à une vaste antichambre, d'où un large escalier, qui se divise après quelques marches, et aboutit d'abord à l'appartement de fille de M. Goethe et du mari de cette dame, vous laisse à la porte qui ouvre le logement de l'auteur de Werther. Sur le seuil de cette porte, une mosaïque fort bien travaillée présente d'abord aux visiteurs et aux amis le mot »Salve«; on traverse un cabinet garni d'un grand nombre de bustes et d'antiques, et, en suivant une assez longue galerie, on arrive dans la bibliotheque qui tient à la chambre à coucher du grand homme. Cette bibliothèque paraît lui servir de cabinet de travail; c'est là que nous avons été reçus avec une politesse germanique, c'est à dire peu démonstrative, mais qui ne manquait pas d'un certain air de cordialité et de bonté. M. Goethe a passé en revue un certain nombre de nos hommes de lettres les plus remarquables. Il nous a fait un grand éloge de l'ermite de la Chaussée-d'Antin [Jouy], »dont l'ermitage ne pouvait pas être une solitude, car il était connu et recherché de toute l'Europe.« En parlant de l'imitation française de quelques-uns de ses propres ouvrages, il nous a dit qu'il concevait peu comment M. Duval avait pu mettre au théâtre le drame du Tasse. Il nous a assuré qu'en écrivant [116] la pièce allemande, il ne l'avait pas destinée a la représentation, ne la jugeant pas susceptible d'un effet dramatique, et que c'était par la faveur particulière qu'on attachait en Allemagne à ses ouvrages, qu'on avait voulu représenter celui-ci. Beaucoup d'éloges pour Casimir Delavigne, pour Scribe; une approbation marquée pour le vaudeville intitulé »La mère au bal et la fille à la maison«, ont terminé cette séance. Goethe, qui paraît âgé de soixante ans (il en a soixante-treize), ne semble pas trop éloigné de l'idée de venir un jour visiter la France; il se tient au courant de toutes les nouveautés de ce pays par la lecture du »Globe«, journal qu'il parait affectionner. »On dit ce journal un peu lourd; c'est peut-être à cause de cela que nous l'aimons, nous autres Germains, qu'on n'accuse pas d'être lègers.« Il a semblé surtout partager les opinions du rédacteur des articles de musique dans cette feuille. Goethe parle français avec un peu de difficulté, mais cependant avec correction; on ne s'aperçoit de cette difficulté que par l'intervalle qu'il met entre chaque mot; elle n'est d'ailleurs pas sans une espèce de charme, et donne même souvent de la valeur à ce qu'il dit. Sa taille est moyenne, plutôt grande que petite; sa figure est noble et parfois très-expressive, son habitude sérieuse; il a le nez prononcé, la bouche presque entièrement dégarnie de dents, mais sa complexion paraît robuste.

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