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An Ernst Wolfgang Behrisch
Bon jour mon cher!
Ma petite, en employant tout son pouvoir, quelle a sur moi, m'a fait manquer a ma parole, et au [63] soupè, que vous m'aviez fait preparer. J'en suis au desespoir, mais elle m'en a paié, et elle m'en paiera encore. Je sais que Vous etes indulgent et que Vous me pardonnerez aisement, si je Vous developpe un peu les circonstances de cette soiree. J'allai droitement de Vous a mon logis, pour y expedier mes petites affaires, quelle fut ma surprise d'y trouver par le mojen de notre correspondence secrete, un avis de me rendre au plutot chez elle. Jy volai, je la trouvai seule, toute la famille aiant eté attire par le spectacle noveau a la comedie. Juste ciel quel plaisir de se voir seul, avec sa bienaimée, quatre heures de suite. Elle se passerent sans que personne de nous deux le sut. J'appris que la mere m'avoit pardonné, et que la bonne femme fatiguée enfin des tendresses perpetuelles que l'autre fit a sa fille, tourna toute son humeur contre lui. Que ces qutre heures me firent hereux!
[64] Vous rirez un peu de cette extase. Riez autant qu'il vous plaira. Mais Vous aurez encore, un sujet pour rire, c'est que cette lettre entiere, ne contient rien qu'amour. Pardonnez moi, en pensant, que nous ne sommes jamais si fertiles en expressions que quand notre coeur nous en fournit. Adieu. Je ne manquerai pas de vous ecrire quelque fois pendant ce 8 jours, si vous voules etre content de ma mauvaise patte.
c. 12. d'Octb. 1766.
Goethe.